Ce chapitre traite de l’évolution, depuis 1945, des relations entre science et société. Il compare la situation d’avant les années 1980 avec celle qui a émergé ensuite, avec les principes de participation aux choix scientifiques et techniques et de réflexivité par rapport à ces choix, ce que certains nomment « démocratie technique ». Nous présentons un aperçu des politiques et des évolutions institutionnelles qui vont de pair avec cette évolution en France, et nous donnons des éléments de comparaisons internationales, en insistant sur le caractère le plus souvent conflictuel de cette dynamique. Le chapitre étudie ensuite, de ce point de vue, le cas de l’expertise scientifique, vue comme espace des confrontations pour la mise des technosciences en société. Cinq types de stratégies mises en œuvre par les acteurs impliqués, et qui donnent lieu à autant de confrontations, voire de polémiques, sont mis en évidence.
La conclusion porte sur l’urgence qu’il y a à innover en matière de contrat science-société et sur le rôle de l’expertise mobilisant chercheurs, think tanks, groupes concernés pour articuler inquiétudes morales, intérêts légitimes et opportunités technologiques, afin de définir les voies d’une croissance durable.
Chapitre
L’enquête réalisée par TNS Sofres et le Cevipof à l’initiative du Haut Conseil de la science et de la technologie (HCST) en 2011 montre une tendance à une plus grande circonspection envers les S&T de la part du public et une relativisation des progrès qu’elles ont permis : à la question « Avez-vous l’impression que la science apporte à l’homme plus de bien que de mal, plus de mal que de bien, ou à peu près autant de bien que de mal ? », l’évolution des réponses depuis quarante ans montre que, d’un état initial où les jugements positifs dominaient assez largement (57 %, plus de bien que de mal) alors que les jugements partagés étaient minoritaires (38 %, autant de bien que de mal), on aboutit aujourd’hui à une quasi-inversion des résultats avec 41 % de jugements positifs contre 52 % de jugements partagés.
Il apparaît également dans cette enquête que la légitimité des actes d’opposition relatifs à certaines innovations technologiques (OGM, nucléaire, téléphonie mobile…) s’est significativement accrue ces dernières années et que le « grand public » souhaite, nettement plus fréquemment que dans des enquêtes antérieures, que « l’ensemble de la population » influe sur l’orientation de la recherche scientifique.
D’après l’enquête Eurobaromètre de 2013, quand on interroge les Français sur les acteurs qui « essayent de se comporter de manière responsable envers la société, en faisant attention aux impacts de leurs activités liées aux S&T », la recherche publique et les ONG sont citées à plus de 80 %, l’industrie et les pouvoirs publics à 35 % seulement…
Résumé
Plan
- Le contrat science-société aujourd’hui : le grand basculement
- Les lignes de force et les tensions de la refondation du contrat science-société
- Le nouveau contrat science-société : le cas de l’expertise scientifique
- L’expertise scientifique, de l’ancien au nouveau contrat
- L’expertise scientifique : espace des confrontations pour la mise des technosciences en société
- Stratégie 1 : faire parler la science en faveur de ses intérêts
- Stratégie 2 : faire en sorte de biaiser, fragiliser ou orienter des travaux de recherche ou leur synthèse
- Stratégie 3 : promouvoir un cadrage favorable à ses intérêts. Le cas des critères de validité des études toxicologiques
- Stratégie 4 : faire de la « désobéissance civile » dans le champ de la science et de l’expertise
- Stratégie 5 : disqualifier les porteurs de réglementations en faisant courir de fausses rumeurs les accusant d’excès de précaution aux conséquences graves
- Vers une expertise scientifique plurielle et réflexive
- Conclusions et perspectives
Auteur
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 29/10/2021
- https://doi.org/10.3917/oj.lesou.2015.01.0287
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