Sciences Humaines : Il existe actuellement tout un débat sur le statut de la psychanalyse, notamment en France. Est-ce une science, une thérapie ou autre chose ?Jean Laplanche : C’est un vaste problème qu’on ne peut aborder qu’en faisant appel à différents niveaux de savoir.
– Le premier niveau concerne les grands schèmes que la psychanalyse a prétendus scientifiques, le complexe d’Œdipe, le complexe de castration, le meurtre du père, etc. Ce sont en fait des aspects de la connaissance de l’être humain par lui-même, qui ont été découverts par la psychanalyse, mais qui ne sont en rien scientifiques. Ce sont des schèmes que j’appelle mythiques ou idéologiques. Ils sont très utiles car ils servent à l’homme à maîtriser son inconscient et l’angoisse pulsionnelle, mais il ne faut pas les prendre pour des schémas scientifiques.
– Il y a ensuite un deuxième niveau qui est celui des explications métapsychologiques qui constituent, elles, des énoncés à visée de vérité, donc scientifiques à leur niveau propre. C’est, par exemple la description du fonctionnement de l’inconscient et de sa genèse. Il s’agit là d’outils intellectuels susceptibles de progrès, de cohérence et de réfutation. Par exemple, il y a une théorie de la genèse de l’inconscient chez Freud que j’essaie de remplacer par une autre qui me semble plus adéquate. Ce modèle, que j’appelle théorie de la séduction généralisée, peut à son tour être complété, voire réfuté.
– Il y a enfin un troisième niveau qui concerne le domaine thérapeutique, c’est-à-dire ce qui se passe au cours de la cure analytique…