Chapitre
Les protestants français ont tenu sur leur pays deux grands récits, que tout oppose ou presque, et que la fin du xviiie siècle sépare d’un trait à peu près impeccablement tracé. Ce n’est pas la Révolution, du reste, qui le marque, mais une séquence antérieure, qui va de l’affaire Calas à l’édit de 1787 sur les non catholiques. De part et d’autre de cette ligne de faîte, le récit d’un malheur, puis celui d’un bonheur – avec cette nuance capitale que ce second récit n’a pas chassé le premier, mais l’a intégré dans la mémoire collective, comme un filigrane ou un support de présentation destiné à mieux mettre en valeur son successeur. Cette dialectique un peu particulière, puisque l’antithèse tient lieu en même temps de synthèse, peut paraître simpliste, mais elle correspond à la réalité d’une minorité dont le destin a été coupé en deux. Certes, il y a eu avant 1787 des temps d’incertitude ou de stabilité presque sereine, mais leur brièveté a été telle qu’ils n’ont pas pu bâtir ou changer un récit qui ne fût pas celui d’une inquiétude, d’une détresse ou d’une incertaine survie. Ce qui s’impose est la révolution des représentations (de soi, et de la France) survenue dans la génération qui a connu les années 1760-1790.Le malheur. Le mot n’est pas trop fort, même si le visage laïque, pluraliste, œcuménique de la France d’aujourd’hui se crispe sans doute un peu lorsque l’on rappelle ces larmes versées par une minorité qui a compté environ 10 % de la population au milieu du xvie siècle, moins de 2 % à partir de la fin d…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 07/02/2022
- https://doi.org/10.3917/puf.zarka.2020.01.0517
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