Chapitre
Au détour de la conclusion de la monumentale fresque collective des Lieux de mémoire, en 1992, l’historien Pierre Nora lançait une flèche à la fois contre Mai 68 et sa commémoration : « En fait d’action révolutionnaire, en fait d’histoire qui, au sens hégélien, s’écrit en lettres de sang, chacun s’est demandé après coup ce qui s’est réellement passé. » Avant d’ajouter que, dans ce cas, « l’événement n’a de sens que commémoratif ». À vrai dire, le ton et le contenu du propos démentaient largement ce qu’il entendait démontrer. De fait, s’il est vrai que Mai 68 n’a cessé, dès l’origine, d’être entouré d’un halo de célébration et d’autocélébration, majoritaire en général, on se tromperait à croire que son accueil et sa postérité furent consensuels et simplement commémoratifs. Pierre Nora lui-même, en s’inspirant ouvertement, dès 1977, des sarcasmes du philosophe hégélien Alexandre Kojève sur cette pseudo-révolution de 68, se situait ici dans un courant interprétatif pointant la vacuité de l’événement – là où d’autres voient, aujourd’hui encore, un moment capital de cristallisation et de basculement à la fois politique, culturel et civilisationnel. Et si les passions, pour le cinquantenaire de l’événement en 2018, semblent totalement retombées, on se tromperait à affirmer, comme le fait trop vite l’historien Jean-Pierre Rioux, que la bien pâle célébration récente fut « couleur de muraille ». Même si c’est de façon plus discrète, la discussion et la critique de Mai 68 restent aujourd’hui très vives, y compris dans le champ politique…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 07/02/2022
- https://doi.org/10.3917/puf.zarka.2020.01.0487
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