Chapitre
Par goût, je désapprouve l’invasion des formulations féministes, importées du Québec, « celles et ceux », « tous et toutes ». Redondantes, elles ont pour effet d’alourdir la langue sans apporter d’informations sauf une : les femmes existent. En doutait-on ? Faut-il le rappeler à l’occasion de tout pronom ? Oui, oh combien, s’écrient les réformateurs, sans s’apercevoir qu’il est impossible d’aller au bout d’une telle réforme : personne, à ce jour, ne dit « elles et ils ». Je doute que l’usage ne s’impose jamais. Bref, je préfère la langue classique, qui est légère, à la langue actuelle, pâteuse et pleine de grumeaux : au jour d’aujourd’hui, celles et ceux.
D’où ma surprise, pendant une conférence à la BNF, d’entendre le conférencier, un homme encore jeune, plein d’intelligence et de charme, sacrifier à la mode nouvelle : tous et toutes. Les étudiantes et les étudiants. Les lecteurs et les lectrices. Or je l’entendais comme il le prononçait : comme un égard. J’entendais dans sa voix la suavité galante. Bien sûr le redoublement n’apportait aucune précision à son propos, cela ne servait à rien. Se découvrir non plus, ni s’incliner.
La version contemporaine de la galanterie accueille le féminisme, tout comme au xviie siècle, les galants reprenaient sans broncher les termes du roman précieux. Certes il n’existe plus de bigotes pour s’alarmer des syllabes sales, et l’on a fermé la chasse aux termes crus. Mais le monde s’est peuplé de féministes qui traquent le mépris des femmes dans les plis du langage, avec une sensibilité d’écorchée et une vigilance de sémioticienne…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 07/02/2022
- https://doi.org/10.3917/puf.zarka.2020.01.0103
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