Chapitre
À l’instant même de ces premiers mots, me revient une image qui peuple souvent mes songes. Elle a la couleur de l’hiver, celle de La Pie de Monet.
C’est un jour magique que seuls la neige et Noël, unissant leur beauté, savent composer. Le ciel est si proche que je l’effleure de la main. Saigné à blanc, il déverse ses paillettes sur l’une de ces grandes métropoles qui, enfant, nourrissaient en moi des sentiments mêlés de fascination et de crainte. Un voile argenté habille de neuf les avenues, les remparts, les monuments et les tours, qui se fondent dans la blancheur pure du paysage. Il en transfigure les moindres recoins, dissipant les déchets, la noirceur et les rouilles.
Au milieu de ce décor boréal que les guirlandes lumineuses font miroiter, j’aperçois une jeune femme aussi vacillante que la flamme d’une bougie exposée au vent. Je crois que je l’attendais. Elle peine à se frayer un passage, seule parmi la foule. Je ne vois plus qu’elle, le désarroi dans ses yeux en alerte et son visage ombré, où une blessure a creusé des stigmates. Je l’appelle comme si elle devait me répondre ou venir vers moi. Le buste penché en avant, elle craint à chaque instant de trébucher. Flocon parmi les flocons ballottés par le vent, elle marche, tel un somnambule, sans toucher terre. A-t-elle d’ailleurs une terre ? Elle s’arrête fourbue, en quête d’introuvables appuis. Puis, elle poursuit, vaillante, sans direction, sans but. Sans fin. J’ai froid pour elle.
Il y a trop d’illuminations, de rires et de bruit, que la neige ne suffit pas à étouffer…
Auteur
html et feuilletage (par chapitre) Ajouter au panier
- Mis en ligne sur Cairn.info le 10/03/2022
![Chargement](./static/images/loading.gif)
Veuillez patienter...