CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Parce qu’il se « considère citoyen du monde », le cosmopolite adopte un état d’esprit qui repousse la division de l’humanité. Le siècle des Lumières a vu fleurir en son sein des conceptions du cosmopolitisme qui prennent leur distance par rapport aux premières versions grecques que l’on trouve sous la plume des cyniques, en particulier chez Diogène [1]. Ce dernier formule un cosmopolitisme dans une triple perspective qui l’éloigne des acceptions actuelles : polémique, restrictif et non politique. Le cosmopolite vit sans maison, en dehors de toute cité, ce qui permet de renier l’exil frappant alors nombre de citoyens, mais aussi l’idée de propriété. Il est ensuite restrictif dans le sens où seuls les sages, ceux qui accèdent à la perfection, peuvent accéder à cet esprit cosmopolite. Il révèle, par là, un caractère inégalitaire opposé à la philanthropie. Enfin, il n’a aucune dimension politique car il nie les Cités existantes et n’envisage pas l’élaboration d’une organisation de l’univers comme une grande Cité. Les cosmopolitismes au siècle des Lumières proposent une autre conception, qui s’oppose aux trois propriétés du cosmopolitisme cynique tout en défendant une orientation positive. En effet, ils refusent la charge péjorative qui entoure le terme à la Renaissance, tout particulièrement en France, où il est introduit par un protestant – Pierre Viret – afin de disqualifier la concorde universelle à laquelle aspire un catholique – Guillaume Postel.

2Le cosmopolitisme en tant qu’idée d’unité politique du monde résulte d’un cheminement qui trouve ses premières expressions saillantes à la fin du xviiie siècle, notamment sous la plume d’Emmanuel Kant. Le xxe siècle favorise l’éclosion de nouvelles formulations dont l’objectif est de l’actualiser compte tenu des circonstances historiques, révélant au passage la grande richesse du courant. Toutefois, l’attraction cosmopolitique n’est pas seulement clarifiée à partir d’un renouvellement de la pensée kantienne (chapitre 1). L’application aux relations internationales de la théorie de la justice élaborée par John Rawls (chapitre 2) ainsi que la tradition de l’humanisme civique constituent d’autres sentiers très empruntés (chapitre 3).

Notes

  • [1]
    Des versions antérieures du cosmopolitisme peuvent être repérées dans d’autres civilisations, telles celle de l’Égyptien Anhnaton (1526 av. J.-C.) à titre d’exemple (Wallace, Brown et Held, 2010, p. 3).
Frédéric Ramel
Frédéric Ramel est professeur des universités en science politique à Sciences Po. Rattaché au CERI, il exerce également les fonctions de directeur scientifique de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire. Il est l’auteur de Philosophie des relations internationales (Presses de Sciences Po, 2011).
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/04/2013
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