La reconstitution du contexte d’émergence des mobilisations collectives est problématique. Si les analyses en termes de « structures des opportunités politiques » ont semblé un temps satisfaisantes pour comprendre les éléments « objectifs » les favorisant ou les empêchant – il s’agissait en effet de « rendre compte de l’environnement politique auquel sont confrontés les mouvements sociaux et qui peut, selon la conjoncture, exercer une influence positive ou négative sur leur émergence et leur développement » –, des critiques importantes ont entaché la pertinence de ce concept, et ce sont désormais d’autres pistes qui doivent permettre de situer historiquement et socialement les mobilisations collectives.
La sociologie de l’action collective offre des outils susceptibles d’aider à mener cette tâche à bien. Ainsi, Lilian Mathieu propose le concept d’« espace des mouvements sociaux », qu’il définit comme « un univers de pratiques et de sens, relativement autonome à l’intérieur du monde social, au sein duquel les mobilisations protestataires sont unies par des liens d’interdépendance ». Une dimension intéressante de cette notion d’espace est qu’elle constitue une « zone d’évaluation mutuelle » par l’observation du niveau d’activité des autres mouvements et organisations, de leurs innovations tactiques ou des mises en forme originales de leurs revendications. Ces observations permettent aux autres mouvements d’évaluer ce que l’auteur désigne comme le « jouable », l’« opportun », le « risqué »…