L’affaire Dreyfus marque le point de départ d’un élan nouveau donné à la défense des droits de l’homme, dont la création de la Ligue des droits de l’homme est à la fois l’expression et le symbole. Un siècle plus tard, la volonté de faire respecter les droits de l’homme, à la fois là où ils sont ouvertement bafoués et dans les sociétés démocratiques où la vigilance des citoyens doit continuer à s’exercer, est devenue une préoccupation universellement partagée. Mais, dans l’intervalle, la façon d’envisager les droits de l’homme et les moyens d’action utilisés pour les défendre a évolué. Dans les développements qui suivent, nous nous proposons de mettre l’accent sur un aspect particulier de cette évolution : la place qu’occupe l’arme juridique dans le combat pour les droits de l’homme et son articulation avec l’arme politique.
On peut à cet égard dégager schématiquement trois moments, qu’il faut considérer plus comme l’expression d’un mouvement dialectique que comme une périodisation chronologique à strictement parler.
L’expérience de la Ligue des droits de l’homme pendant toute la IIIe République, corroborée par l’expérience plus récente d’autres organisations militantes, illustre le processus de « montée en généralité » qui caractérise la lutte pour les droits de l’homme : la défense des individus victimes d’injustice conduit à défendre les droits de l’homme en général ; pour défendre les droits de l’homme, il faut défendre les institutions républicaines, et finalement s’engager sur le terrain politique…