Chapitre
Le moment de l’affaire Dreyfus coïncide avec un âge d’or de la femme nouvelle, icône ambivalente d’une modernité naissante. Figure multiple, la femme nouvelle est déjà cet objet décoratif, femme-fleur de l’art nouveau, ou encore cycliste des placards publicitaires attifée de son étonnante culotte bouffante, mais elle n’est pas qu’une représentation. Elle peut aussi s’incarner dans quelques pionnières talentueuses, celles qui conquièrent bel et bien des espaces de prestige encore réservés aux hommes. La désignation de femme nouvelle recouvre plus largement les multiples expériences féminines d’une inédite liberté de mouvements et de paroles, dont celle, et non des moindres, des féministes qui se préoccupent concrètement de l’accès collectif des femmes à l’égalité et à l’autonomie.
Il ne serait pas juste de rabattre l’émergence de ces modernités féminines de la Belle Époque sur la question du dreyfusisme. Les femmes à bicyclette autant que le mouvement pour les droits des femmes précèdent l’événement. L’affaire Dreyfus marque pourtant un moment clé de l’avènement d’une modernité de genre – genre étant entendu comme le processus d’élaboration sociale du féminin et du masculin, des identités et fonctions attribuées à chaque sexe. Non seulement une nouvelle génération féministe joue un rôle pionnier dans la défense du capitaine, mais elle subvertit le langage politique du dreyfusisme et de l’antidreyfusisme qui utilise volontiers les marqueurs traditionnels du féminin et du masculin comme signifiants…
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Auteur
- Mis en ligne sur Cairn.info le 04/01/2016
- https://doi.org/10.3917/arco.ducle.2009.01.0174
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