Banalité du mal
Le 11 mai 1960, Adolf Eichmann était appréhendé par les services secrets israéliens, puis emmené à Jérusalem pour y être jugé : il avait été pendant la Seconde Guerre mondiale le principal organisateur de la déportation de plus de 6 millions de Juifs vers les camps où ils furent exterminés. La philosophe Hannah Arendt se rendit au procès d’Eichmann, en qualité d’envoyée spéciale du New Yorker. Mais son compte rendu (cf. Eichmann à Jérusalem, 1963) allait donner lieu à une levée de boucliers, en partie parce que, au contraire de l’accusation qui en fit l’archétype de l’antisémite et l’un des principaux artisans de la Solution finale, elle décrivit Eichmann comme un « petit homme » sans envergure, un fonctionnaire docile et apathique qui n’avait fait que suivre les ordres… C’est la thèse de la « banalité du mal ». Derrière son essai, se dessinait l’idée que l’être le plus ordinaire peut être amené à commettre le pire, par conformisme et par « respect de la loi ». Le philosophe J.-C. Poizat résume ainsi les polémiques autour de la notion de « banalité du mal » : « Problème : peut-on considérer le mal commis par un criminel nazi comme « banal » sans diminuer en rien sa responsabilité ? Selon Arendt, le mal absolu serait causé par l’absence de pensée, celle-ci se révélant pire que le vice. (…) Le fonctionnaire zélé du IIIe Reich prétendit avoir agi avec bonne conscience en faisant son “devoir”, mais il s’est montré incapable de se mettre à la place des humains qu’il envoyait sciemment à la mort…