Chapitre
Sciences Humaines : Vous contestez une opinion croissante selon laquelle la famille ne joue plus ses rôles traditionnels. Pour quelles raisons ?Agnès Pitrou : Les reproches aux familles défaillantes reviennent comme une incantation dès qu’il apparaît un problème d’inadaptation, un échec ou un méfait de la part de leurs enfants. Il est bien clair que la responsabilité familiale est quelque peu engagée dans le comportement des enfants — et les parents sont la plupart du temps très conscients, voire culpabilisés à l’excès. Mais il ne faut pas en rester à cette explication passe-partout, alibi commode de la mauvaise volonté ou de l’ignorance, sans s’interroger aussi et avant tout sur les raisons des carences éventuelles de l’éducation familiale. Comme l’a bien montré Robert Castel, les difficultés d’insertion familiale s’entrelacent avec d’autres problèmes : précarité économique, marginalisation professionnelle ou culturelle, mal-vivre dans un environnement social et matériel sans avenir… Les manques de « civilité » des enfants s’enracinent dans ce terreau de misère physique ou morale, et ce n’est pas en punissant les parents, c’est-à-dire en faisant taire les symptômes, que l’on évitera de traiter les facteurs profonds de l’inadaptation.
En fait, les familles doivent assumer toutes sortes de tâches devenues plus complexes parce que moins prescrites que jadis, et plus soumises à des influences extérieures qu’elles ne maîtrisent pas et parfois ne comprennent pas. L’impératif de la réussite économique et sociale des enfants, même très relative (acquérir un minimum de scolarisation, ne pas commettre de méfaits trop voyants…), exige des stratégies compliquées, souvent inaccessibles…
Auteurs
html et feuilletage (par chapitre) Ajouter au panier
- Mis en ligne sur Cairn.info le 04/09/2019
- https://doi.org/10.3917/sh.dorti.2002.01.0125
![Chargement](./static/images/loading.gif)
Veuillez patienter...