CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Que les régimes autoritaires se donnent la peine d’organiser des simulacres d’élections n’étonne plus guère au xxie siècle. Seuls cinq États au monde ne prévoient pas dans leur loi fondamentale l’élection directe d’une quelconque instance de représentation nationale. Les régimes qui recourent à cette façade démocratique sont souvent taxés d’« autoritarisme électoral », et c’est sous cet oxymore qu’ils entrent dans les typologies des régimes autoritaires dits « concurrentiels » (Levitsky & Way, 2010). « Hold-up électoral érigé en système », pour reprendre la formule de Guy Hermet, ces simulacres d’élection permettent aux « gouvernants qui n’ont en fait aucune intention de se laisser déplacer du pouvoir en vertu d’un verdict négatif des électeurs » de « se targuer vis-à-vis de l’étranger ou de leur propre peuple d’un vernis de légitimité “démocratique” obtenu grâce à des consultations dûment contrôlées et ne comportant aucun risque pour eux » (Hermet, 1977 : 32). L’autoritarisme électoral s’est progressivement imposé depuis les années 1990 comme un système viable à travers le monde : il prévaut désormais dans une soixantaine de pays, séduisant en particulier les leaders des États post-soviétiques dits « en transition ».
Or, beaucoup de ces régimes qui dévoient la démocratie en mimant des « élections » invitent désormais aussi des observateurs internationaux. Paradoxalement, l’accent mis par les promoteurs de la démocratie et les bailleurs de fonds internationaux sur la nécessité d’organiser et de faire observer des élections a incité les régimes fraudeurs à affiner leurs tactiques d’imitation des dispositifs de démocratie procédurale (Kendall-Taylor & Frantz, 2015)…

Anaïs Marin
Docteure en science politique (Sciences Po Paris/CERI, 2006), est actuellement affiliée au Centre de civilisation française et d’études francophones de l’Université de Varsovie, où elle pilote un projet de recherche consacré au « sharp power » russe. Ses travaux académiques portent sur la politique étrangère et la « dictaplomatie » des régimes autoritaires d’Eurasie post-soviétique. Elle a participé à plusieurs missions d’observation électorale de l’OSCE/ODIHR dans la région, et coopère avec divers think tanks européens, notamment Chatham House (Londres) en tant que chercheure associée. Spécialiste du Bélarus, depuis 2018 elle est aussi Rapporteure spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme au Bélarus.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 23/03/2022
https://doi.org/10.3917/kart.bonna.2021.01.0127
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