Les territoires ruraux contemporains de Russie, d’Ukraine et d’Asie centrale, conquis sur la steppe, reflètent les relations de domination et de coexistence d’une mosaïque de peuples de souches ethniques et culturelles contrastées. La victoire d’Ivan le terrible (1552) met fin à la volonté expansionniste de la « Horde d’Or » et favorise l’installation de monastères aux vastes domaines agricoles. Après la bataille de Poltava (1709), la conquête russe de l’Ukraine ouvre la voie à l’installation de grands domaines agricoles qui se substituent à l’ancestral système triennal.
Pour stabiliser une frontière mouvante, longue et difficile à défendre contre les poussées des Turcs, Catherine II mobilise les Cosaques du Don et d’Ukraine et leur octroie un statut de « paysan-soldat », alors qu’elle institue, partout ailleurs, le statut du servage pour les paysans, au moment ou l’Europe occidentale s’en libère. La conquête de l’Est ne résulte que partiellement des campagnes militaires. Les immenses étendues désertes au-delà de l’Ob ont été des terres de relégation pour les opposants au tsar. L’installation des déportés et de leurs familles contribue au développement des cités, comme à Tobolsk ou à Biisk sur les premières hauteurs de l’Altaï.
La déportation, pourtant déjà significative au xxe siècle, prend une dimension sans précédent sous le régime des soviets. Lénine et Staline voient dans le « moujik » un ennemi de classe, un défenseur acharné de la propriété foncière, un opposant inconditionnel à la socialisation de l’État, et qu’il faut transformer radicalement, par le déracinement…