Chapitre
Dans la dernière partie de la trilogie du Rêve de d’Alembert
, le Dr Bordeu annonce à son interlocutrice que la question des monstres est « de physique, de morale et de poétique » (OC, XVII, 196). Jean-Claude Bourdin a brillamment montré au début de ce volume comment une réflexion sur la forme et le difforme a engendré, chez Diderot, une pratique d’écriture. Nous nous attacherons, dans les pages qui vont suivre, aux deux premiers aspects de la question en analysant l’opposition entre l’ordre et
les monstres dans la pensée philosophique, morale et politique de Diderot.
La première réflexion approfondie sur ce sujet se trouve dans la Lettre sur les aveugles. Selon la cosmogonie de Saunderson, il y avait, à l’origine de l’univers, plus de monstres que d’êtres normaux :
Si nous remontions à la naissance des choses et des temps, et que nous sentissions la matière se mouvoir et le chaos se débrouiller, nous rencontrerions une multitude d’êtres informes, pour quelques êtres bien organisés (OC, IV, 50).
Puis les formations monstrueuses se sont anéanties successivement, laissant la place à des organismes mieux adaptés à l’environnement :
Toutes les combinaisons vicieuses de la matière ont disparu, et [...] il n’est resté que celles où le mécanisme n’impliquait aucune contradiction importante et qui pouvaient subsister par elles-mêmes et se perpétuer (ibid.).
Si le monstre est défini par son incapacité à survivre et/ou à se reproduire, il va de soi qu’on ne rencontre plus guère de monstres aujourd’hui…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 03/10/2016
- https://doi.org/10.3917/puf.ibrah.1999.01.0139
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