Ce sont des femmes particulières. Des femmes époustouflantes et, à la première croisée, je me suis, bien entendu, retournée. Et, tel un homme fasciné, je fus irrémédiablement admirative.
Essentiellement nonchalante et fébrilement poseuse, elle me semblait ironiser sur le thème du temps. Elle nous semblait, à nous tous qui la regardions, dire j’ai tout mon temps pour moi. Et ce pour moi avait l’outrage de signifier rien que pour moi. Il était, à elle entière, une suggestion égoïste et magnifique qui fracassait par son arrogance toute initiative. Sans conteste, le suivez-moi simple était hors de propos. Elle conjuguait plutôt un suivez-moi composé de nos regards et de nos mots.
Je l’ai donc contemplée. Elle, son déplacement. Car regarder une femme comme celle-ci c’est sentir son paysage se bousculer. L’air, les hommes autour et les autres femmes plus loin. J’ai détaillé sa tenue et me suis attardée sur son mouvement. Ses pieds en premier, son posé du pied et son habillement. Son bassin ensuite et son oscillation. Et surtout son menton. J’ai remarqué ses talons qui s’élèvent. Les talons ne sont pas objet, ils sont trajectoire. Ils indiquent, signalent vers où s’attarder. Naïvement échassiers, ils me faisaient l’article. Repères à sens unique, ils pointaient à la verticale. Ils ne me parlaient pas de terre, ils me convoquaient vers les airs. Ils dessinaient tour à tour une même et unique colonne vertébrale oscillante avec en son centre le cul. Mon regard a glissé et le long du dos s’est retrouvé…